La Rochelle, France
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Suivis des contaminants

Le suivi des concentrations en contaminants

Contexte

Depuis 2017 un suivi des concentrations en contaminants chimiques chez les populations de mammifères marins des eaux françaises est réalisé au sein de l’observatoire Pelagis, dans le cadre de la Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin (DCSMM) et du descripteur dédié à l’étude de la contamination chimique. Les mammifères marins sont des espèces longévives, situées au sommet des réseaux trophiques marins et elles accumulent donc des concentrations élevées de contaminants, du fait de la bioamplification des Polluants Organiques Persistants (POPs) et du mercure. La voie principale d’exposition de ces espèces aux contaminants est la voie trophique, et c’est pourquoi des variations de concentrations entre les espèces mais aussi au sein d’une espèce liées aux préférences alimentaires ou aux zones d’alimentation sont observées. Ce sont donc des espèces intégratrices de la contamination globale. De nombreuses études ont démontré la présence d’une grande variété de contaminants dans les tissus de mammifères marins. De plus, certains auteurs ont pu montrer que ces substances toxiques pouvaient provoquer des altérations du système immunitaire, des échecs de la reproduction et des perturbations du système endocrinien. Par conséquent, ces espèces sont considérées comme très sensibles aux perturbations du milieu et comme de bonnes espèces sentinelles de l’état de santé du milieu marin.

Dans ce contexte, le suivi des concentrations en contaminants à l’observatoire Pelagis se fait grâce aux échantillons de mammifères marins issus du Réseau National d’Échouages (RNE). Il est appliqué à chaque sous-région marine de France métropolitaine (i.e. Manche-Mer du Nord, golfe de Gascogne, Mers celtiques et Méditerranée occidentale). Pour chaque sous-région une espèce représentative a été choisie : le marsouin commun (Phocoena phocoena) pour la Manche-mer du nord, le dauphin commun (Delphinus delphis) pour le golfe de Gascogne et les Mers celtiques, et le dauphin bleu et blanc (Stenella coeruleoalba) pour la Méditerranée. Le grand dauphin (Tursiops truncatus) qui est une espèce commune aux quatre sous-régions est aussi inclus dans ce suivi.

Figure 1. Espèces et nombre d’individus analysés annuellement (n), ou tous les deux ans, par sous-région marine.

Enfin, dans le cadre de projets de recherche ou de programmes de surveillance en lien avec la DSCMM, un suivi de la qualité des proies de mammifères marins est également réalisé au sein de l’observatoire, incluant l’analyse de la densité énergétique chez ces proies mais aussi de leurs concentrations en contaminants chimiques (notamment métaux lourds). Ceci nous permet d’appréhender l’exposition aux contaminants de ces prédateurs par la voie alimentaire. »

Résultas attendus

A partir de ces analyses réalisées en routine, nous serons capables d’établir des niveaux de contamination pour les différentes espèces et populations étudiées, ce qui nous permettra d’identifier les populations ou segments de populations les plus vulnérables ou à plus haut risque face à la contamination chimique. Ce qui est ainsi fait au niveau national peut être transposé au niveau international grâce à la participation de l’observatoire Pelagis dans des projets européens visant à identifier les populations à risque à l’échelle des eaux Européennes.
De même, la collecte des échouages depuis plus de 40 ans sur le littoral français nous donne accès aujourd’hui à des prélèvements qui nous permettent d’évaluer l’évolution temporelle sur le long terme de la contamination chimique du milieu marin, à travers ces espèces dites sentinelles des écosystèmes marins.

Les recherches à suivre :

Des études ont montré que la présence de fortes concentrations de POPs ainsi que d’éléments traces comme certains métaux lourds peuvent provoquer des perturbations du système immunitaire et endocrinien, ainsi que des échecs de la reproduction des mammifères marins. Pourtant, les recherches dans ce domaine restent aujourd’hui difficiles chez les mammifères marins. Les principales raisons de l’absence de preuve d’impact de la pollution chimique sur les mammifères marins sont la difficulté ou l’impossibilité d’expérimenter en laboratoire avec ces animaux, l’influence de nombreuses facteurs, appelés facteurs de confusion comme ceux déjà cités (âge, sexe ou maturité sexuelle), qui entravent l’établissement de relations de cause à effet, ainsi que la difficulté d’identifier, suivre et collecter des données pour les espèces de faune sauvage comme les mammifères marins. Néanmoins, a l’observatoire Pelagis nous chercherons à développer des biomarqueurs d’effets chez les mâles en lien avec le segment de population choisi pour le suivi des contaminants.

Il y a de plus en plus de preuves que la biodiversité ainsi que la santé environnementale et humaine peuvent être affectées par des mélanges de produits chimiques toxiques présents dans l’environnement et dans les aliments destinés à la consommation humaine. Aujourd’hui plus de 350 000 produits chimiques sont fabriqués à l’échelle industrielle, pouvant atteindre l’environnement et les chaines alimentaires. Par conséquent, les contaminants environnementaux réglementés et surveillés actuellement représentent seulement une fraction de l’exposition chimique totale des organismes. Les analyses courantes ciblent les molécules connues qui peuvent ne représenter qu’une petite proportion de la charge totale en contaminants, alors que beaucoup de molécules non connues à ce jour peuvent aussi causer des dommages physiologiques potentiels, et ne sont pourtant pas considérées dans ces analyses de routine ciblées. Les mammifères marins étant des espèces longévives, situées au sommet des réseaux trophiques marins et avec une forte capacité à accumuler des concentrations élevées de contaminants sont donc un bon modèle biologique pour ce type d’études, et nous avons donc également mis en place une stratégie de dépistage non ciblé (NTS) avec plusieurs laboratoires de recherche (Cariou et al. 2020).
Ronan Cariou, Paula Méndez-Fernandez, Sébastien Hutinet, Yann Guitton, Florence Caurant, Bruno Le Bizec, Jérôme Spitz, Walter Vetter, and Gaud Dervilly. ACS ES&T Water Article ASAP
DOI: 10.1021/acsestwater.0c00091