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Le phoque gris d’Etretat

Fallait il ou non intervenir ? Les explications des scientifiques.

L’observation des phoques sur les côtes de la Manche est un phénomène habituel, voir plus bas (1).

Le 30 janvier 2023, un phoque gris mâle adulte est signalé au Réseau National Echouages sur une plage d’Etretat.

Sur la base de photographies transmises par la police municipale d’Etretat, l’état du phoque est jugé préoccupant (maigreur importante et grande faiblesse). Après concertation avec le CHENE (Centre de soins de la Faune Sauvage localisée en Seine-Maritime) sur les bénéfices et risques d’une intervention il est décidé dans un premier temps de ne pas intervenir pour les raisons décrites plus bas (2), voir également les conduites à tenir en cas d’échouages.

Phoque gris échoué à Etretat le 30 janvier 2023. Crédit : Mairie d’Etretat

Ce phoque portait une bague à la palmure, elle a permis de reconstituer une partie de son histoire. Quelques mois après sa naissance, il a été retrouvé échoué avec des blessures de type morsures de chien aux Pays-Bas fin 2012. Il a été pris en charge par un centre de soins et relâché au printemps 2013.  A son signalement à Etretat, le phoque était donc âgé d’environ 10 ans, alors que l’espérance de vie moyenne des phoques gris est estimée entre 20 et 25 ans en milieu naturel.

Le 31 janvier, l’animal était toujours sur place. Des membres d’une ONG, non mandatés, ont alors pris l’initiative d’intervenir en appliquant des conduites inadaptées et risquées (mise sous une couverture, capture et transport dans une camionnette). Suite à l’intervention de la police de l’environnement (Service départemental de l’OFB) et sous la pression médiatique, le phoque mourant a finalement été transféré vers un centre de soins.

Le CHENE a donc été contraint de l’accueillir et après quelques heures en soins l’animal est décédé. La nécropsie a été réalisée le lendemain dans un laboratoire départemental vétérinaire à Caen, par un vétérinaire formé dans le cadre du RNE. L’examen interne a révélé des lésions macroscopiques importantes mais les conclusions finales ne seront connues que lorsque tous les résultats des analyses complémentaires seront disponibles.

QUE FAUT-IL RETENIR ?

  • Le littoral est l’habitat naturel des phoques : ils y naissent, se nourrissent, se reproduisent, se reposent et y meurent. Ce cycle naturel se déroule sur nos côtes, sous nos yeux et il faut le respecter. Les animaux sauvages malades ou mourants s’isolent de leurs congénères, c’est également une situation naturelle.
  • Les phoques sont des espèces protégées, des initiatives contre avis, allant jusqu’à la manipulation, la capture et le transport sont interdites, peuvent être risquées mais également assimilées à de la maltraitance animale, même si l’intention est de les sauver. Le fait de simplement approcher un animal sauvage peut créer du stress et avoir des conséquences négatives compromettant sa survie ou son bien-être, notamment s’il est en fin de vie.
  • Les phoques sont porteurs d’agents pathogènes potentiellement transmissibles à d’autres animaux mais aussi à l’homme. Il est donc indispensable de se maintenir à distance.
  • Les correspondants mandatés dans le cadre du RNE (3), l’Observatoire PELAGIS et les centres de soins sont tous expérimentés pour prendre les décisions et adapter le niveau de l’intervention tout en considérant le bien-être animal et la sécurité des personnes.

(1) Une fréquentation des phoques qui s’accroit sur nos côtes

Deux espèces de phoques cohabitent sur nos côtes : le phoque gris et le phoque veau-marin.

La présence de ces animaux sauvages amphibies sur notre littoral est normale. Ils y viennent pour se reposer, muer ou se reproduire. Même s’ils se retrouvent la plupart du temps au sein des colonies (plusieurs sont connues en France), de nombreux phoques isolés sont également observés tout au long de l’année et parfois même sur des plages fréquentées.

Si nous avons la chance aujourd’hui de côtoyer ces animaux, c’est grâce aux efforts de conservation entrepris depuis des années par les associations (dont les centres de soins) et les gestionnaires de l’environnement.

UN PHOQUE ISOLE N’EST PAS FORCEMENT EN DETRESSE :

OBSERVEZ LE A DISTANCE ET CONTACTEZ L’OBSERVATOIRE PELAGIS

Les signalements de phoques (observations et échouages) se sont intensifiés et se sont étendus à toute la façade ouest ces dernières années. En 2022, l’Observatoire PELAGIS a traité 760 signalements de phoques sur notre littoral (sur 2 256 signalements de mammifères marins). Parmi ces signalements, 360 concernaient des animaux dont la situation n’était pas jugée préoccupante. Concernant les 400 autres signalements, il s’agissait de 275 phoques déjà morts, tous ont fait l’objet d’un examen par un correspondant du Réseau National Echouages ; 125 vivants ont été pris en charge par un centre de soins car leur état était jugé préoccupant.

(2) Prise en charge par les centres de soins et cas particulier des phoques adultes

Les phoques pris en charge par les centres de soins sont en règle générale de jeunes individus. Soit ils ont été séparés prématurément de leur mère, soit ils sont sevrés mais affaiblis par les conditions hivernales et la malnutrition. Suite à une prise en charge en centre de soins, les chances de survie de ces jeunes phoques sont relativement élevées. En 2021, sur 117 phoques échoués vivants et pris en charge par un centre de soins, 85 ont été relâchés en milieu naturel au terme des soins.

L’absence de prise en charge d’un phoque « échoué » peut avoir plusieurs raisons :

  • L’animal meurt avant ou pendant l’intervention.
  • L’animal est mourant et sa taille adulte compromet sa prise en charge.

En effet, par expérience les centres de soins, comme le CHENE, savent que la prise en charge d’un phoque adulte malade ou mourant est complexe (moins de 5 cas par an en France). Alors que ses chances de survie sont infimes, elle est à la fois jugée particulièrement stressante pour l’animal et dangereuse pour les soigneurs. De plus, ces animaux présentent un risque sanitaire élevé pour les intervenants. Les rares tentatives sur les adultes concernent les animaux enchevêtrés (dans un filet par exemple), pour les libérer de leur entrave. Ces interventions sont réalisées directement sur le terrain sans transport de l’animal.

La plupart du temps, ces animaux sont donc laissés sur place, dans leur milieu naturel qu’est le littoral. Si la zone est très fréquentée, les correspondants du RNE et l’Observatoire PELAGIS se coordonnent avec les collectivités pour mettre en place un suivi, éventuellement un périmètre de tranquillité et de sécurité, et adapter la conduite si la situation évolue.

(3) Les missions du Réseau National Echouages et de l’Observatoire PELAGIS

Les correspondants du Réseau National Echouages ont pour mission d’assurer le suivi des échouages de mammifères marins (cétacés et phoques) sur le littoral français. La coordination scientifique de ce réseau est assurée par l’Observatoire Pelagis (CNRS et La Rochelle Université) avec le soutien de l’OFB et du Ministère de l’Ecologie.

Ce vaste réseau est composé de personnes volontaires, formées et habilitées à intervenir sur ces espèces marines et protégées. Il comprend des vétérinaires, des centres de soin de la faune sauvage, des associations de protection de la nature, des scientifiques, des naturalistes, des agents en environnement, des agents de l’OFB, etc.  Aujourd’hui, ce réseau intervient sur environ 2 000 individus échoués par an.

Il s’agit du dispositif de suivi de mammifères marins le plus important en France de par son étendue, sa stabilité dans le temps, ainsi que pour la richesse des données collectées et son expertise vers les politiques publiques, voir exemple de la surmortalité des dauphins communs sur le littoral atlantique.

Tout mammifère marin échoué mort ou vivant doit donc être

impérativement signalé à l’Observatoire PELAGIS